Pourquoi et comment congeler ses ovocytes ?

Autorisée dans la plupart des pays européens, la congélation d’ovocytes est très limitée par la loi française. Pourtant, l’allongement de la durée des études, le démarrage d’une carrière et le célibat rendent les désirs de grossesse plus tardifs et les consultations pour infertilité se multiplient chez les trentenaires.

Les femmes désirent des enfants de plus en plus tard. Mais, si à 30 ou 40 ans, on est encore jeune physiquement et dans sa tête, notre taux de fertilité, lui, diminue. Que faire lorsqu’on ne veut pas d’enfant tout de suite mais qu’on se réserve le droit d’y réfléchir ? Pour de plus en plus de femmes, congeler leurs ovocytes est une assurance pour l’avenir. En effet, en faisant vitrifier ses ovules lorsqu’elle est pleinement fertile, la femme va pouvoir retarder le moment où elle tombera enceinte en conservant les mêmes chances de grossesse que lors de leur congélation. Mais ce procédé n’est toujours pas autorisé en France.

Comment ça marche ?

Après des examens médicaux pour vérifier l’état de santé de la fertilité de la patiente, celle-ci doit procéder à une stimulation ovarienne (traitement d’une dizaine de jours que l’on pratique en début de cycle et qui est effectué par le biais de prises de sang afin d’accroître le nombre de ses ovocytes). A l’issue d’une échographie finale, le médecin procède à la ponction, c’est-à-dire qu’il prélève les ovocytes de l’ovaire de la patiente et les fait vitrifier (méthode cryotop) dans de l’azote liquide. Elle pourra ensuite demander, quand elle le souhaitera, qu’on les lui réimplante dans l’utérus par le biais d’une fécondation in vitro. Ce processus prend environ trois mois depuis les premiers examens médicaux jusqu’à la vitrification et cette dernière étape ne s’effectue, pour les femmes en bonne santé, qu’exclusivement à l’étranger.

Pourquoi congeler ses ovocytes ?

Le désir tardif d’enfant est devenu une réalité en France, comme dans beaucoup de pays dits développés. Les consultations d’infertilité sont envahies de femmes ‘jeunes dans la vie, âgées pour la reproduction’ et, contrairement aux idées reçues, l’Assistance Médicale à la Procréation (inséminations intra-utérines, FIV, ICSI) ne permet pas de lutter contre cette chute de la fertilité. La congélation d’ovocytes, oui. Directeur de recherches à l’Ined (Institut national d’études démographiques), Henri Leridon a calculé que pour 100 femmes souhaitant un enfant à 30 ans, la nature, supplée au besoin d’une PMA, permettra à 94 % d’entre elles de l’obtenir, mais pour les quadras, ce souhait ne sera exaucé que dans 64 % des cas.

Le don d’ovocytes peut alors compenser ce vieillissement ovarien. Hélas, la France manque de donneuses et les délais d’attente oscillent entre 18 mois et 2 ans. D’où l’intérêt de mettre ses propres ovocytes en réserve en prévision du moment adéquat (retardée par le prolongement des études supérieures, la carrière mais aussi par l’attente de rencontrer l’homme de sa vie). D’autant que depuis les années 2000 une technique de congélation rapide, la vitrification, s’est développée avec d’excellents résultats et, pour certaines équipes, des taux de grossesses identiques à ceux obtenus avec des ovocytes frais.

Quel est le taux de réussite ?

Selon la toute dernière publication de l’équipe espagnole du docteur Ana Cobo, directrice de « the Ovodonation Laboratory » à IVI Valence, en Espagne, tout dépend du nombre d’ovocytes matures congelés et de l’âge auquel est effectuée cette conservation. Entre janvier 2007 et avril 2015, 1468 femmes se sont rendues dans leurs centres pour faire une préservation de la fertilité. Et si 86 d’entre elles l’ont fait pour raisons médicales (hors cancer), les 1382 autres, soit la grande majorité des patientes, le faisaient pour des raisons d’âge.

L’âge moyen où les femmes souhaitaient congeler leurs ovocytes était de 37,7 ans. Et, en moyenne, c’est à 39,2 ans, soit un peu plus de deux années de conservation plus tard que les femmes revenaient utiliser leurs ovocytes. Les taux de grossesse évolutive (ayant dépassé 3 mois) sont de 27 % par femme, soit un peu plus d’une femme sur 4. Mais si 10 ovocytes avant 35 ans permettent d’espérer 60 % de naissance, les mêmes 10 ovocytes au-delà de 35 ans ne permettent plus d’espérer que 27 % de naissance.

La congélation d’ovocytes est-elle sans risque ?

Les risques sont ceux de la stimulation de l’ovulation et de la ponction ovocytaire et ils sont extrêmement faibles. Il ont été estimés à une complication pour 4 000 stimulations.

Pourquoi cette pratique est-elle si onéreuse ?

Afin de pouvoir congeler ses ovocytes, il faut une stimulation de l’ovulation, des dosages hormonaux, des échographies, une ponction ovocytaire sous anesthésie locale ou générale lors d’une courte hospitalisation et enfin la congélation des ovocytes obtenus. C’est tout cela qui explique le prix (environ 2 000 euros pour la procédure médicale et la conservation de ses ovocytes). Il est infiniment plus simple et moins onéreux de congeler du sperme.

Comment expliquer que cette pratique soit interdite en France, pour la plupart des femmes ?

La législation française autorise l’auto-conservation d’ovocytes uniquement pour des raisons médicales, par exemple, avant un traitement potentiellement stérilisant ou pour des femmes souffrant d’endométriose, de cancer ou lors de FIV. Il faudrait changer la loi et autoriser l’auto-conservation d’ovocytes pour d’autres situations qui ne sont pas forcément médicales. Il faut aussi que l’autorisation pour préserver la fertilité délivrée par les agences régionales de santé, on ne compte actuellement que 23 centres en France (sur les 103 centres de PMA) soit élargie à tous les centres qui pratiquent des PMA.

En effet, la conservation, hors patients atteints d’un cancer, ne nécessite pas la collaboration avec les centres anti-cancéreux et a besoin d’une infra structure beaucoup plus légère. En attendant (et en espérant) que ça change, les Françaises désireuses de procéder à la vitrification de leurs ovocytes contournent la loi française, en allant le faire à l’étranger, dans les pays où la pratique est légalisée, comme en Espagne ou en Angleterre.

La loi a-t-elle des chances de changer ?

Je ne suis pas sûre que la loi change mais je me bats pour ! Merci aux journalistes qui nous aident.

Le don d’ovocytes est-il une alternative pour pouvoir en conserver quelques-uns pour soi ?

Oui et non. La loi de bioéthique de 2011 a autorisé les femmes sans enfant à donner leurs ovocytes mais les décrets d’application parus en octobre 2015 et en janvier 2016 sont extrêmement restrictifs et ont clairement pour but de favoriser le don : ainsi, jusqu’à 5 ovocytes matures obtenus, tous sont destinés au don et la conservation au bénéfice de la donneuse n’est alors pas réalisée.

De 6 à 10 ovocytes matures obtenus, au moins 5 sont destinés au don et au-delà de 10 ovocytes matures obtenus, au moins la moitié des ovocytes matures est dirigée vers le don. Or le nombre moyen d’ovocytes obtenus par ponction se situe entre 8 et 10 ! En moyenne une donneuse peut donc espérer conserver 3 à 5 ovocytes et, d’après les calculs de la spécialiste en infertilité Ana Cobo, cela lui offrirait 15 % de chance de naissance, ce qui est bien peu.

Devrait-on inclure un âge limite d’utilisation afin d’éviter la multiplication de grossesses ultra-tardives ?

Les risques des grossesses tardives sont une réalité. Certes, les grossesses de la quarantaine se passent généralement bien mais il n’en est plus de même à partir de 45 ans et encore moins à partir de 50 ans. Aussi, on pourrait très bien définir 45 ans comme l’âge limite raisonnable pour les utiliser, le fixer par décret ou en discuter au cas par cas en comité pluridisciplinaire.

Le CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français) a en effet proposé 45 ans de l’autoriser en en limitant l’usage passé 45 ans, voire éventuellement 50 ans si l’état de santé de la femme le permet et qu’elle est dûment informée des risques tant pour elle que pour l’enfant.

Source: terrafemina.com

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